L’affaire a fait grand bruit, relayée par l’ensemble des médias et finalement l’offre de dialogue de Pierre Cohen, tout de même marqué du sceau de la fermeté aura porté ses fruits. Si la globalité du problème de l’errance est loin d’être solutionné, cette « sortie de crise » a justement le mérite d’avoir fait que le dialogue se renoue entre les sdf , les élus et acteurs sociaux…
Claude TOUCHEFEU - Adjoint au Maire, Solidarité, Politique de la ville, Politique sociale, Prévention et exclusion, fait le point sur cette affaire.
On vous accuse d’avoir simplement déplacé le problème, avec l’installation des sdf, chemin du Raisin ?
Nous n’avons pas « déplacé le problème ailleurs » mais nous avons commencé à le traiter, ce qui n’avait jamais été fait sérieusement.
En effet le campement n’a pas été déplacé, tel qu’il était. »
L’ultimatum de Pierre Cohen - en même temps que s’instaurait le dialogue - aura permis de déclencher un travail en profondeur avec l’un des groupes présent au bord du canal.
C’est ce groupe d’une vingtaine de SDF (sur la quarantaine recensée fin août) qui a « saisi la balle au bond », et a réagi collectivement, se plaçant en dynamique de réaction positive, en demande de projet. Nous avons donc décidé de les accompagner.
Un groupe constitué d’une vingtaine de personnes relativement jeunes, nommément identifiés, a été installé sur le terrain Chemin du raisin.
Ce groupe a accepté de renouer un travail et un dialogue qui étaient pratiquement rompus avec des équipes de l’équipe mobile sociale, de Médecins du Monde , de l’association Intermède, de l’association Soleil.
Ce déplacement vers le chemin du Raisin répond aussi à un mécontentement évident des riverains qui voyaient cette situation perdurer depuis plusieurs années. Quelles sont les raisons qui ont conduit à cette situation de crise ?
Les principales raisons qui faisaient que le campement sauvage du bord du canal était devenu inacceptable ne se retrouvent donc pas sur le campement du Chemin du raisin. Et c’est déjà une grande satisfaction :
-L’appropriation « sauvage » d’espace public : le terrain est un terrain délimité, fermé, plutôt d’ailleurs à l’écart de tout passage piéton et non proches d’habitations – tout en étant prêt du centre ville ce qui a satisfait les « campeurs »
-L’insalubrité : le terrain est équipé de sanitaires : lavabos, toilettes, douches avec eau chaude mais les algéco ne sont pas « flambant neufs » comme d’aucuns ont pu le dire !!!
-La violence : les personnes les plus cassées, les plus agressives, rejetant toute discussion ne sont pas rentrées dans ce processus
-La violence encore, le campement du bord du canal faisait point de ralliement, point de fixation attirant beaucoup de passage, générant beaucoup de violence. L’emplacement du terrain d’une part, le fait qu’il soit fermé d’autre part font qu’il n’y a pas reproduction de ce phénomène. Il faut savoir – et nous l’avons, hélas, vu cet été, que ce sont les SDF eux -mêmes les premières victimes de cette violence.
Tous, sur le terrain disent se sentir beaucoup plus en sécurité. Et ils comptent bien préserver cette sécurité. Pour exemple ils ont refusé vendredi soir l’entrée sur « leur » terrain d’un groupe venu « boire un coup avec eux » : « ils étaient trop bourrés !! »
Pour ce groupe, l’installation sur le terrain du chemin du Raisin, est un premier pas, une première étape : ils savent que s’ils arrivent à s’organiser, à gérer leur vie collective, nous nous sommes engagés à travailler avec eux à un projet dans une installation « en dur ». Pour la plupart ils ne sont pas à la recherche d’un logement individuel, ils ont besoin du groupe.
Cette période écoulée a été très constructive ; les sdf s’organisent, le terrain est tenu propre, et ils édictent eux - même leurs règles de fonctionnement, Ce qui est une avancée très positive ! Ils se refont une santé, en quelque sorte car ils dorment mieux, lavent leurs affaires, et se sentent aussi sans doute mieux considérés.
L’opposition a glosé sur l’histoire des clefs ; c’est pourtant déterminant, ce sont les sdf qui l’ont demandé : signe de confiance bien sûr, mais aussi condition pour délimiter un « groupe » où chacun doit se responsabiliser, c’est la condition sine qua non de plus de sécurité pour eux.
Le problème est réglé selon vous ?
Bien sûr tous les problèmes liés à l’errance, aux sdf n’en sont pas pour autant réglés, il reste encore beaucoup de travail à faire.
Il y a ceux qui n’ont pas souhaité rentrer en discussion. Des « routards » qui sont repartis ailleurs –dans d’autres villes, des plus marginaux encore qui se sont installés ailleurs dans la ville. –de manière moins visible, et des groupes éclatés : on peut parler de « déplacement » mais avec des conséquences moindres que sur les bords du canal.
Il y a aussi un groupe de roms qui a pour l’instant « disparu ».
Il y a beaucoup de SDF dans la ville ; avec des problématiques différentes. Des pistes de travail sont d’ores et déjà amorcées (avec par exemple l’aménagement du terrain de Rupé) ;
Nous devons aussi interpeller le Préfet représentant de l’Etat sur ses responsabilités. - N’oublions pas que la responsabilité de l’hébergement d’urgence est une compétence d’Etat, gérée par la DDASS.
Un travail de fond et de longue haleine est entamé par la municipalité, il était urgent d’enclencher ce processus, afin de désamorcer une situation devenue très délicate. Il n’est certes pas temps de crier victoire, tant le problème de l’errance est complexe et nombre de villes y sont confrontées. Mais il nous appartient en concertation avec tous les protagonistes d’aller de l’avant, et d’ouvrir une réflexion fondamentale, tant il ne nous est pas permis de laisser quiconque au bord du chemin.