mardi 15 décembre 2009

" Jean-Paul Fonvieille, au sens au Jaurès l’entendait, était le plus courageux des hommes "


Discours de Pierre Cohen lors de l'inauguration du rond-point Jean-Paul Fonvieille


Mesdames et Messieurs,
Chers amis,

Jean-Paul Fonvieille nous a quitté, un triste jour de décembre, il y a de cela 8 ans. Il a succombé des suites d’une terrible maladie.
Ce fut son dernier combat.
Mais sa mémoire, elle, est toujours bien présente.
Comme est présente la mémoire de son grand-père, Maurice, héros de la résistance mort en déportation au printemps 1945.
Comme est présente la mémoire de son père, Max, enseignant à Fermat, homme de gauche à la laïcité chevillée au corps.
Chez les Fonvieille, on était enseignant, laïc, républicain, de gauche, de père en fils.

Vous pouvez en témoigner, Madame Fonvieille, vous qui avez élevé Jean-Paul dans ces valeurs laïques et républicaines. Vous pouvez en témoigner, Jacqueline Fonvieille-Ferrasse, vous qui avez reçu la même éducation que votre frère.
Je tiens à vous saluer et à saluer, bien entendu, la compagne de Jean-Paul, Christiane Desplats-Fonvieille, et sa fille Laure, qui est aujourd’hui représentée par sa maman, Annie Laval.

Jean-Paul Fonvieille était une personnalité forte de la gauche toulousaine. Une gauche toulousaine incarnée par Jaurès et les maires socialistes tels que Billières ou Badiou…

Comme Jaurès, Jean-Paul Fonvieille avait l’humanisme, le désir que les jeunes puissent accéder à l’éducation, le souci constant du sort des plus humbles, des plus démunis.

Comme Billières, il était d’une intelligence brillante, il avait une véritable vision et une ambition pour Toulouse.

Comme Badiou, il était un homme de conviction, profondément engagé dans les combats qu’il menait.Il était, comme lui, professeur de mathématiques.

Jean-Paul Fonvieille a toujours su rester debout.

C’était un bâtisseur, et pas seulement un bâtisseur d’idées.
Militant associatif, militant syndical, militant politique, il était de ceux qui pensent que les grands principes ne valent que s’ils s’illustrent dans l’action. Et que l’action nourrit ensuite la réflexion.

Homme d’idées, homme de terrain, il était avant tout un républicain qui, tout au long de sa vie, et quelles que soient les formes qu’a pu prendre son militantisme, a puisé son engagement dans les fondements mêmes de la République : la liberté, l’égalité, la fraternité.

Liberté de défendre ses idées, de dénoncer ce qui révolte.

Egalité des droits entre français et immigrés, entre les hommes et les femmes, entre les exclus et les autres, égalité devant l’accès à l’instruction.

Fraternité avec le genre humain, avec l’exclus, le maltraité, l’exilé. Fraternité, aussi, avec ses camarades de lutte…

Il avait fait, très tôt, le choix d’une vie au service des autres.Il était étudiant en prépa math au lycée Fermat quand il a rejoint la jeunesse communiste révolutionnaire.

Il avait 18 ans.C’était en 1968.

Il restera à la LCR jusqu’en 1991. Il sera de toutes les mobilisations contre le capitalisme et le stalinisme, contre le fascisme, dans la solidarité internationale avec les peuples du Vietnam, d’Espagne, de Pologne, d’Amérique Latine…

Il rejoint le parti socialiste et la gauche socialiste en 1995, à la section 12, au Mirail. C’est cette même année qu’il est élu au conseil municipal de Toulouse, dans l’opposition. Là encore, il a participé à tous les débats, tous les rendez-vous qui font la vie d’un conseil municipal, à toutes les confrontations.
Et il y en eu beaucoup.

Jamais il ne renonçait, n’abandonnait, n’abdiquait.Il faisait de la politique.

En 2001, il devient le directeur de campagne de François Simon, le candidat du parti socialiste, pour les élections municipales.
Malgré la maladie, inlassablement, il s’affirme l’artisan du rassemblement, de l’unité politique, le porteur des idées de gauche. Il a dirigé la campagne de toutes ses forces, avec toute son énergie, son enthousiasme, son sens politique aigu.

Avant la campagne, il avait coécrit avec François Simon un ouvrage, « la fracture toulousaine », un thème qu’il connaissait par cœur.
Il avait viscéralement vissée en lui l’idée qu’une France où les banlieues sont oubliées, bannies, méprisées, n’est pas digne d’être républicaine.

Il était profondément ancré dans le quartier du Mirail où tout le monde le connaissait et le respectait. Il faut dire qu’il a été de toutes les grandes batailles concernant les difficultés rencontrées par les habitants, les associations, les jeunes du Mirail.
Lors des émeutes à la Reynerie en 1998, alors que les quartiers flambaient, il était l’un des rares à pouvoir discuter avec les jeunes en colère, à pouvoir leur expliquer que la revendication ne passait pas par la violence. Il avait cette autorité naturelle, cette légitimité dans le quartier, qui faisaient qu’on l’écoutait.

Professeur de math au lycée polyvalent Rive Gauche du Mirail, il était de la trempe des hussards noirs de la IIIème République.
Laïc, républicain, citoyen, encore et toujours.

Il a été de ceux qui ont permis au lycée polyvalent de casser l’image négative qu’on lui attribuait, d’en faire un établissement performant. Il partait du principe que la diversité sociale était avant tout source de richesse et facteur de réussite.

Toujours profondément convaincu que le discours, l’analyse, s’affinent au contact des réalités, il s’est syndiqué, dès son entrée dans l’enseignement, au SNES, à la FEN unitaire de l’époque, puis à la FSU, toujours actif, ne laissant rien passer quand il estimait que la cause à défendre le méritait.

Militant antiraciste de toujours, il a rejoint très vite l’équipe fondatrice de SOS Racisme à Toulouse et a été élu au conseil national de1987 à 1998.

Il a aidé les habitants du Mirail à construire la formidable aventure culturelle du festival Racines. Il voulait redonner toute leur dignité à ceux qui vivaient dans le quartier, montrer la richesse de leur créativité, casser la barrière des préjugés, mixer les cultures, faire venir le centre-ville au Mirail.
Il a assuré toutes les semaines, pendant des années et souvent seul, la permanence d’aide juridique de SOS Racisme.

Je suis persuadé que le débat actuel sur l’identité nationale l’aurait révolté, lui qui, lors de la marche des beurs à Toulouse en 1983, criait déjà dans les manifs : « Couscous, cassoulet, même combat ! »

Pour tout ce qu’il a apporté à la gauche toulousaine, pour les valeurs qu’il défendait, pour tout ce que les Toulousains lui doivent, je suis fier d’inaugurer ce rond-point qui porte désormais son nom, d’autant qu’il se trouve au cœur du Mirail, « son » quartier.

Et je voudrais dire ici, devant sa famille, ses amis, ses camarades, que ce quartier, nous ne l’abandonnerons pas. Que je veux, moi aussi, casser les barrières, ouvrir les frontières, faire fondre les préjugés, redonner à chacun sa dignité et au Mirail son statut de quartier à part entière, avec la même qualité de vie qu’ailleurs.

Je voudrais dire ici, en dévoilant cette plaque qui porte son nom, que les combats de Jean-Paul n’ont pas été vains et que nous sommes nombreux à avoir repris ce flambeau.

Je voudrais dire ici que Jean-Paul Fonvieille vit toujours dans le cœur et dans l’esprit de chacun d’entre nous, comme vivent toujours Jaurès, Billières ou Badiou.

Jaurès affirmait : « Le courage, c’est d’aller à l’idéal et de comprendre le réel ; c’est d’agir et de se donner aux grandes causes sans savoir quelle récompense réserve à notre effort l’univers profond, ni s’il lui réserve une récompense. Le courage, c'est de chercher la vérité et de la dire. ».

Jean-Paul Fonvieille, au sens au Jaurès l’entendait, était le plus courageux des hommes.